SPORT365.FR, 08.06.2007

Alain Prost : « Je vois Ferrari revenir »



Interview: Jean-Moise DUBOURG

Comme avant chaque Grand Prix, Alain Prost nous livre son analyse avant le rendez-vous du Canada. Après le doublé de Mclaren à Monaco, le quadruple champion du monde parie sur Ferrari à Montréal.

Au terme d’un GP de Monaco sans grande intensité, McLaren a réalisé un doublé. La FIA a cru un temps qu’il y avait eu des consignes d’équipe. Qu’est-ce que vous pensez de cette polémique ?
Je pense que c’est une polémique vraiment stérile qui, d’ailleurs, s’est arrêtée rapidement. En général, il y a deux cas litigieux. Celui de Michael Scumacher qui prend la victoire à Barrichello il y a cinq ans en Autriche, Barrichello au dernier tour, voire au dernier virage, le laissant passer. Ces consignes du point de vue des spectateurs du monde entier ne sont pas très sportives, ce n’est pas très beau. La deuxième solution – un coéquipier qui bloque une équipe ou un pilote concurrent pour laisser gagner la deuxième voiture - est aussi très répréhensible. Dans ce cas là, les deux pilotes de la même équipe décident à un moment donné de calmer le jeu. A Monaco, il est quasiment impossible de doubler. Ce sont des consignes tout à fait normales. Il y a tellement d’investissements et d’argent en jeu que c’est normal qu’une équipe essaye de calmer un petit peu le jeu et prenne le moins de risques possibles. Est-ce qu’il y a eu un changement de stratégie pour privilégier l’un ou l’autre pilote ? Je ne crois pas que la Fédération devrait rentrer là-dedans même si c’est un peu limite pour les vrais puristes. Je pense que ç’a toujours un peu existé. A partir du moment où les grands constructeurs sont là en F1, ça existera de plus en plus d’une manière ou d’une autre. S’il y a une équipe qu’il ne faut pas pointer du doigt dans ce domaine là, c’est bien McLaren. Dans le futur, ils vont laisser les pilotes s’expliquer sur la piste mais là c’était vraiment très spécifique à Monaco, donc on va clore le débat.

Quoi qu’il en soit, Hamilton a montré une petite nervosité à l’arrivée. Est-ce qu’une affaire est en train de se créer entre les deux pilotes McLaren ?
Il y a malheureusement une petite tension actuelle. Il y a eu une tension les semaines passées entre Alonso, son équipe et Ron Dennis parce que l’Espagnol pensait qu’il n’était pas assez considéré comme le pilote n°1. Hamilton aujourd’hui se sent pousser des ailes, il a beaucoup plus de prétentions qu’il pensait en avoir en début de saison. Ça vient vite, ça vient même un peu trop vite et ce serait dommage de casser ce bel équilibre parce que c’est quand même magnifique. Mais c’est vrai qu’il sent aujourd’hui qu’il peut aller chercher la victoire et le titre et il a envie de prendre l’ascendant. C’est tout à son honneur et c’est beau parce que c’est un jeune pilote sans trop d’expérience mais qui a déjà cette motivation d’être champion du monde. Ça ne se fera pas sans heurts mais une fois encore une fois, s’il y a une équipe qui peut mieux régler les problèmes entre pilotes, c’est bien McLaren.

Cela est dû à Ron Dennis ?
C’est dû à Ron Dennis en premier mais il y a toute une ambiance derrière qui fait que c’est une famille. Et, comme dans toutes les familles il y a certaines tensions. Il ne faut pas que ça aille plus loin que le côté sportif. Pour l’instant ça reste très sportif, ça reste une lutte entre deux pilotes qui veulent gagner des courses et un championnat du monde. Elle va être à un moment ou un autre exacerbée par la presse. Mais le problème pour Hamilton c’est qu’il est anglais et la presse anglaise est très très puissante. C’est d’ailleurs elle qui a déclenché la polémique de la course d’équipe et qui a indirectement fait que la FIA a regardé dans la télémétrie, les conversations radio, etc… C’est peut être par l’entourage ou par la presse que les problèmes vont commencer.

Est-ce qu’à Montréal, Ferrari peut reprendre la main ?
C’est évident que Monaco n’était pas le circuit pour Ferrari. D’ailleurs, Massa n’aime pas le circuit. La Ferrari est une voiture très longue. Ils ont augmenté l’empattement de presque 10 centimètres par rapport à l’année dernière et ça pose quelques problèmes dans les virages serrés de Monaco. On ne les attendait pas spécialement devant. Donc on va voir dès Montréal s’ils récupèrent de leur superbe qu’ils ont eu lors des deux trois derniers Grands Prix. On verra aussi si McLaren a progressé parce que McLaren a un plan de développement qui a l’air très spécifique et de très bien marché. On a passé le premier Grand Prix européen, on a passé Monaco qui est quand même très atypique. Maintenant on va arriver sur des circuits conventionnels même si Montréal peut être considéré comme un circuit atypique mais qui devrait bien convenir au Ferrari, avec une très bonne vitesse de pointe et où l’empattement ne sera pas un vrai problème.

Donc Ferrari sera favori à Montréal selon vous ?
Je pense que Ferrari devrait revenir mais j’ai l’impression qu’on va voir les McLaren toujours très bien. Il faut que Raikkonen soit là pour que ça surmotive les deux pilotes comme ce qui se passe chez McLaren. Mais je vois Ferrari revenir, oui. Est-ce qu’ils vont revenir devant McLaren ou juste au niveau de McLaren ? C’est tout l’intérêt de ce Grand Prix du Canada.

Renault va mieux est-ce que ça peut durer ?
C’est normal que Renault aille mieux. Ils étaient vraiment très loin. Il y a eu des développements, des avancées... Est-ce que le résultat est dû uniquement au fait de  Monaco où, intrinsèquement, la qualité des voitures et de l’aérodynamique est moins importante ? Est-ce que ce sont aussi les qualités de Fisichella qui aime bien Monaco et qui est toujours très rapide là-bas ? A Montréal on va voir où sont les Renault par rapport au BMW et aux autres outsiders derrières les deux équipes de tête. Pour le reste, ils sont loin de pouvoir encore se mêler à la bataille devant entre Ferrari et McLaren.



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