Bien qu'il ait jusqu'au 30 novembre pour se déterminer, il est de plus en plus probable que le patron des "Bleus" nommera bientôt le jeune Italien aux côtés de Panis pour former l'équipe Prost-Peugeot de 1998.

ALAIN PROST, hier, la confirmation est enfin venue que Villeneuve et Frentzen sont sous contrat avec Frank Williams pour 1998. Avez-vous eu récemment des négociations avec lui pour récupérer l'un de ces deux pilotes et ce en échange éventuel de Trulli?
Il ne s'agissait pas à proprement parler de négociations. Je préfère ne pas apporter d'autre commentaire...

Imaginons quand même que vous ayez eu ou - pourquoi pas? - que ayez toujours la possibilité d'engager Villeneuve ou Frentzen. Sur le fond, ce genre d'hypothèse peut-il être de nature à vous intéresser?
Dans le contexte actuel, non. Pas vraiment...

Quelle est donc, aujourd'hui, votre situation à propos de la recherche de l'équipier de Panis?
Dans une certaine mesure, elle est confortable, puisque, jusqu'à la fin novembre, nous possédons une option pour 1998 sur Jarno Trulli. Je conçois qu'il est difficile, dans son cas, de rester dans l'expectative, mais cette expérience peut aussi être positive. Pour lui comme pour nous. Même s'il a déjà disputé sept Grands Prix avec la JS 45 lors de l'absence d'Olivier Panis, la situation actuelle me permet de mieux comprendre encore son caractère. En ce moment, je parle beaucoup avec Jarno. J'ai de plus en plus envie qu'il reste avec nous. Je suis très proche de lui, mais je dois aussi me protéger. Si nous investissons sur lui, ça doit être pour un peu plus longue que ce qui paraît actuellement possible. Je souhaiterais obtenir de Benetton, qui a Jarno sous contrat, un accord portant au moins sur deux années ferme.

Avez-vous le sentiment que lors du Grand Prix d'Autriche, où il s'est qualifié troisième, puis a mené les trente-sept premiers tours de la course, Trulli a franchi un cap?
Il a confirmé les espoirs placés en lui. En arrivant à Spielberg, à la veille des premiers essais, j'avais d'ailleurs déclaré ceci: "Jarno possède un potentiel incroyable qu'il n'utilise pas complètement." Je crois aujourd'hui que c'était lié aux négociations que nous menions avec Damon Hill. Jarno n'a que vingt-trois ans, il arrive en F1 et il n'a pas encore une "carapace" suffisante pour faire façe à toutes les situations. Il était déstabilisé. Quand je lui ai dit, ce mercredi-là, avant même l'annonce officielle de notre part de l'arrêt des négociations, que Damon ne viendrait pas chez nous, ça a déclenché quelque chose en lui. Jusque-là, son problème était essentiellement d'ordre psychologique. Il ne concernait ni son talent pur ni sa capacité de travail. Et en Autriche il a explosé! Ça prouve, une fois encore, qu'il faut toujours très bien entourer ses pilotes. En raison de mes multiples obligations, je ne l'avais sans doute pas assez fait pour Jarno dans le cours de semaines précédentes. Je sais pourtant, de par ma propre expérience, que l'aspect psychologique c'est quatre-vingts pour cent de la performance d'un pilote.

Quel est pour vous le profil idéal du futur équipier de Panis?
Il est très important d'avoir deux pilotes rapides et qui travaillent bien ensemble. Certes, l'expérience est utile. Il faut qu'au moins l'un d'entre eux la possède - ce qui est le cas d'Olivier -, mais le manque d'expérience ne doit pas servir de prétexte pour ne pas engager un jeune pilote. Si ce jeune pilote sait se donner les moyens de travailler, si l'équipe peut fonctionner. Là encore, tout est affaire d'état d'esprit. Ce qui est important, c'est la tête, la motivation, la capacité à être positif. Les équipes ont souvent du mal à ce que leurs pilotes collaborent et on se retrouve rapidement avec deux binômes qui s'affrontent, formés chacun d'un pilote et d'un ingénieur. Il faut un esprit d'équipe. Olivier Panis le possède au plus haut point, sur la piste comme en dehors. C'est très important. Je pense que Jarno peut l'avoir aussi. En tout cas pour l'instant.

Si vous l'engagiez, serait-ce un problème par rapport à vos partenaires? Ne souhaitent-ils pas, et vous aussi, disposer d'un pilote de grand renom?
Quand on engage un top-pilote, les retombées médiatiques immédiates sont supérieures. Se donner une image d'envergure internationale est important, mais si l'équipe n'est pas prête techniquement ou sportivement, il peut y avoir trouvé un accord avec Damon Hill, par exemple, ça aurait été bien, mais pour combien de temps? Compte tenu de la façon dont il s'est comporté lors de dernières semaines, je crois aujourd'hui que nous n'aurions pas eu, avec lui, ce que nous espérions. Ni sur le plan sportif ni sur le plan humain. Le choix d'un pilote est toujours un compromis. Nous en parlons régulièrement avec nos partenaires pour qu'ils se forgent leur propre opinion, mais, au moment de la décision finale, la responsabilité m'appartient.

En dehors de Trulli, avez-vous d'autres pistes? On a évoqué Berger ou un contact avec Zanardi, le nouveau champion de Cart aux Etats-Unis?
J'ai discuté avec Gerhard, mais plus en tant qu'ami que comme éventuel patron. Sincèrement, je ne pense pas que sa motivation profonde soit de venir chez nous et cela ne put donc m'intéresser. Il y a, parallèlement, plein de pilotes que se sont proposés. Le rôle d'un patron d'équipe est de toujours entretenir le dialogue dans l'optique du moyen terme. Dans le cadre de discussions normales, nous avons eu, comme beaucoup d'autres équipes, un contact avec Zanardi. Un contact avec un pilote, ça peut être une simple discussion téléphonique, pour savoir où il en est de sa situation contractuelle, ou connaître ses motivations par rapport aux années futures. C'est ce qui s'est passé avec Zanardi. Et avec d'autres. C'est tout à fait normal. Ça fait partie de mon métier.

Faudra-t-il donc attendre vraiment le 30 novembre pour connaître la composition de l'équipe Prost-Peugeot en 1998?
Je ne crois pas. Ce sera très certainement fait avant...

Recueilli par Didier BRAILLON