Interview: Jean-Moise DUBOURG

Comme lors de chaque Grand Prix, Alain Prost, quadruple champion du monde, nous livre son analyse avant le rendez-vous chinois, ce week-end à Shanghaï, où il prédit un beau duel Alonso-Schumi.

Déjà mal en point, Renault a connu un gros problème mécanique à Monza avec la première casse moteur pour Alonso. Comment expliquez-vous un problème si important à ce moment de la saison ?
Apparemment, c’est un problème spécifique à certaine pièce comme cela peut arriver de temps en temps. Il devrait être résolu assez vite. Malheureusement, ça tombe à un mauvais moment. Monza est un circuit très dur et quand il y a une petite faiblesse, il est l’un des tracés les plus difficiles. Mais c’est vrai que c’est très rare. Néanmoins, quand on se bat pour remporter le Championnat, on prend le risque maximal parce qu’il faut bien être compétitif. Je pense que ce n’était pas le cas ici, que c’était une casse moteur occasionnelle et que ça ne devrait pas arriver dans les prochaines courses.

Avant le Grand Prix d’Italie, vous disiez que Renault avait un petit avantage, quel est votre point de vue aujourd’hui alors que Michael Schumacher est revenu à deux points d’Alonso et que Ferrari est passé devant le Losange chez les constructeurs ?
L’avantage avant Monza, c’était surtout d’avoir douze points d’avance et que s’il y avait une faute de l’adversaire ou un abandon, le Championnat était pratiquement terminé. Aujourd’hui, on est dans une situation complètement différente. L’avantage sur la piste était pour Ferrari, Michael Schumacher et Bridgestone et on a l’impression que le dernier cap compliqué à franchir pour Renault était justement ce Grand Prix d’Italie. C’est dommage pour Alonso qui était en position de finir troisième mais qui perd dix points après son abandon. Sur les trois derniers Grands Prix, on peut vraiment mettre Renault et Ferrari à égalité parce que autant la Scuderia avait l’air confiant juste avant l’été alors qu’il y avait plus de trente points d’écart avec Renault, autant aujourd’hui Renault semble en confiance pour la fin de saison. Hors d’Europe, Renault est dans un contexte un peu différent. Sans oublier que Michelin va aussi vouloir donner le maximum. Il va y avoir une tension importante et ça peut se jouer vraiment à rien du tout (accrochage, fiabilité…). Mais au niveau performances, je vois Alonso et Renault plus performants que lors des trois dernières courses.

Alonso, en danger, se dit confiant et croit au travail de son équipe. Est-ce un sentiment réel ou une attitude de façade ?
En tout cas, je crois que c’est quelqu’un de très motivé et qui a une grande confiance en lui-même. Toute l’équipe Renault savait avant le départ de la course à Monza qu’il y avait un petit risque de fiabilité. Ils étaient au courant. Donc ce n’est pas non plus une surprise pour Alonso. Ça lui donne un peu de motivation en plus et il sait qu’il faudra se battre jusqu’au bout. De nouveaux développements doivent arriver, il doit rester confiant et motiver les troupes. Ça fait aussi partie du travail d’un grand champion...

Et Michael Schumacher, quelle attitude peut-il avoir ? Cela fait longtemps qu’il ne s’est pas battu comme ça, au coude à coude, pour le titre. Ne risque-t-il pas de retomber dans des dérives passées comme l’accrochage avec Villeneuve en 1997 ?
Je pense que quand Michael baisse la visière et joue le titre, il est capable de beaucoup de choses, ça c’est sûr (sourire). De là à être incorrect volontairement, non. Avec deux points de retard, il faut qu’il termine les courses. Ce qui est sûr, c’est que s’il y a une confrontation directe, ça risque d’être chaud. Mais dans la F1 moderne, les courses se déroulent beaucoup plus dans les stands…