Numero d'affaire: AC.2004.0141
Autorité, Date de décision: TA, 11.04.2005
Juge: GI
Greffier:
Publication:  
Ref. TF:  
Parties:

PROST/Municipalité de Nyon, Rotary Club, Service de l'environnement et de l'énergie, Département des infrastructures

BRUIT , IMMISSION , ORDONNANCE SUR LA PROTECTION CONTRE LE BRUIT
LPE-11


Résumé:

La limitation du bruit provenant d'un kiosque à musique peut être obtenue pour un contrôle des heures d'utilisation.


CANTON DE VAUD

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

 

Arrêt du 11 avril 2005

Composition

M. Jacques Giroud, président; M. Bertrand Dutoit et Mme Emilia Antonioni, assesseurs.

 

Recourant

 

Alain PROST, à Nyon, représenté par Philippe MERCIER, Avocat, à Lausanne,

  

Autorité intimée

 

Municipalité de Nyon, représentée par Denys GILLIERON, Avocat, à Nyon,

  

Autorités concernées

1.

Service de l'environnement et de l'énergie, à Epalinges,

 

 

2.

Département des infrastructures, Service des bâtiments, monuments et archéologie, Section Monuments et Sites, à Lausanne,

  

 

Tiers intéressés

Rotary Club Nyon et Rotary Club Nyon-La Côte représentés par Rémi BONNARD, Avocat, à Nyon,

 

Recours Alain PROST contre décision de la Municipalité de Nyon du 14 juin 2004 (kiosque à musique)

 

Vu les faits suivants

A.                                La parcelle no 1'015 de Nyon a été attribuée au domaine public communal en 1945. Elle comprend l'Esplanade des Marronniers, où se trouvent trois colonnes romaines reconstituées en 1958 et un socle en maçonnerie, érigé à l'endroit où existait auparavant un kiosque à musique en bois. D'une hauteur de 75 cm, ce socle octogonal s'inscrit dans un carré de 8 m 50 de côté. Quatre marches d'escaliers sont placées devant l'un de ces côtés. Il est muni d'une barrière en bois.

La parcelle susmentionnée, à laquelle le degré de sensibilité au bruit III a été attribué, est sise en zone de verdure du plan partiel d'affection "Bourg de Rive" (ci-après : PPA) approuvé le 4 mars 1997. Le chiffre 3.1. du règlement du PPA déclare applicable à cette zone les art. 62 et 63 du règlement communal sur le plan d'extension et la police des constructions approuvé le 16 novembre 1984, dont la teneur est la suivante :

 

"Art. 62

Cette zone est destinée à sauvegarder les sites, créer des îlots de verdure et aménager des places de jeux.

Elle est caractérisée par l'interdiction de bâtir.

Art. 63

La Municipalité, sur préavis de la Commission, peut autoriser l'édification de constructions publiques ou d'utilité publique de minime importance, à l'exclusion, notamment, d'habitations et de garages à voitures.

Ces constructions doivent s'intégrer à la zone de verdure."

La Municipalité de Nyon a soumis à l'enquête publique du 16 janvier au 5 février 2004 un projet de "réhabilitation du kiosque à musique". Des gradins et marches devaient être réalisés sur une largeur de 80 cm tout autour du socle existant. Un toit sur charpente en bois devait être érigé, d'une largeur dépassant de 1,75 m le bord du socle et d'une hauteur atteignant 4 m à la corniche et 6 m 50 au faîte, supporté par 8 piliers en métal, d'un diamètre ou d'une largeur de quelque 20 cm, légèrement inclinés vers l'extérieur. Le coût des travaux était estimé à 125'000 francs.

Auparavant, en octobre 2003, le projet susmentionné avait été soumis à la Commission consultative d'urbanisme, qui avait émis le préavis suivant :

"Il y a quelques années déjà la Commission avait préavisé négativement par rapport à un projet qui couvrait le socle existant d'un ancien kiosque à musique en préconisant qu'une étude complète de réaménagement de l'ensemble de la place des Marronniers soit entreprise.

La Municipalité, à l'époque, avait expressément adopté la même attitude.

Le projet présenté constitue une lourde hypothèque qui réduit considérablement les possibilités d'aménagements futurs.

De plus, il paraît difficile de promouvoir un usage accru de ce site sans la mise à disposition de certains services, notamment de WC publics."

B.                               Alain Prost est propriétaire d'un bâtiment dont la façade sud, percée de six fenêtres, est située à 8 m du bord du socle existant, la façade est donnant sur une terrasse surplombant l'Esplanade des Marronniers. Il a formé opposition au projet susmentionné en invoquant notamment les nuisances sonores auxquelles il serait exposé à l'avenir. La municipalité a rejeté cette opposition par décision du 14 juin 2004, que l'intéressé a attaquée devant le Tribunal administratif par acte du 7 juillet suivant. Dans sa réponse du 15 septembre 2004, l'autorité intimée a conclu au rejet du recours.

Les associations Rotary Club Nyon et Rotary Club-La Côte (ci-après : les associations) ont été appelées à la procédure en qualité de parties. Elles avaient en effet toutes deux soutenu le projet litigieux en qualité de "donateurs responsables de la construction". Par acte de leur conseil du 11 août 2004, elles ont conclu au rejet du recours.

Le Service de l'environnement et de l'énergie (SEVEN) a été invité à se déterminer au sujet du recours. Par lettres des 29 juillet et 4 octobre 2004, il a exposé que l'utilisation du kiosque à musique en cause n'était pas "de nature à engendrer une gêne excessive au sens de la loi sur la protection de l'environnement", pour autant que le "programme d'exploitation" ne change pas. A cet égard, il s'est fondé sur le fait qu'une association organise à l'emplacement litigieux des concerts de musiques diverses, avec ou sans amplificateur de son, de juin à septembre, le dimanche de 11 h à 14 h, et que quelques autres manifestations occasionnelles ont lieu à cet endroit, ainsi le 1er août.

Le Service des bâtiments, monuments et archéologie s'est déterminé au sujet du projet par lettre du 20 juillet 2004, notamment en ces termes :

"Sur le principe, la Section monuments et sites approuve l'idée de reconstruire une toiture sur le socle existant, qui sans son état actuel amputé, a perdu de son sens.

En revanche, le projet en lui-même ne donne pas entière satisfaction. En effet, la création d'un emmarchement supplémentaire et la position inclinée des poteaux donnent à l'ensemble un impact visuel plus grand que nécessaire."

Le Tribunal administratif a tenu audience à Nyon le 15 mars 2005 et a effectué une inspection locale.

Considérant en droit

1.                                On peut se demander si la procédure d'octroi de permis de construire suivie par l'autorité intimée est adéquate, s'agissant d'une construction sur une promenade rattachée au domaine public. Un tel endroit pourrait en effet être considéré comme une route, puisque cette notion comprend selon l'art. 2 al. 1 de la loi sur les routes (LRou; RSV 721.01) outre la chaussée proprement dite notamment les trottoirs, les talus et les places rattachées au domaine public. Or, l'art. 13 al. 3 LRou prévoit qu'un projet de construction de routes doit faire l'objet d'un plan routier à adopter par le législatif communal, la procédure applicable étant celle prévue aux art. 57 à 62 LATC pour les plans d'affectation.

Certes le Tribunal administratif a-t-il jugé qu'un plan routier n'était pas nécessaire pour réaliser un parking sur une parcelle qui, pour être propriété de la collectivité, est ouverte au public, à l'instar des parcs et promenades publics, n'a pas été transférée au domaine public (arrêt du 25 février 1998 dans la cause AC.1995.0106; cf. également Tribunal administratif, arrêt du 18 août 1995 dans la cause GE.1995.0110 et Denis Piotet, Le droit vaudois de la propriété foncière, n. 482 et 483). Mais on se trouve précisément en l'espèce dans un cas où une décision d'affectation au domaine public a été prise pour la parcelle litigieuse.

Certes encore, l'art. 13 al. 2 LRou adopté en 2003 (BGC, février 2003, p. 6'964 et 7'004), prévoit-il que peuvent faire l'objet d'un permis de construire les "projets de réaménagement de peu d'importance réalisés dans le gabarit existant". Mais il n'est pas certain que l'on soit en l'occurrence en présence et d'un réaménagement plutôt que d'une construction nouvelle et d'une telle réalisation de peu d'importance.

2.                                On peut se demander encore si le kiosque litigieux, en favorisant l'organisation de concerts, puisque les musiciens et leurs instruments ne seraient plus exposés à un risque de pluie, n'est pas susceptible de provoquer des immissions de bruit dépassant ce qui est admis par la loi sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01). Selon les art. 11 ss LPE, les émissions de bruit doivent être limitées, selon certaines valeurs définies dans l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB; RS 818.419). Celle-ci ne fixe cependant pas de valeurs limites d'émissions pour une installation fixe telle que le kiosque litigieux. Il faut donc se fonder sur l'expérience pour évaluer les immissions produites par des concerts occasionnels, une expertise acoustique pouvant le cas échéant constituer un appui (Tribunal administratif, arrêt du 3 janvier 2000 dans la cause AC.1998.0213, consid. 6; DEP 2004, p. 234; Anne-Christine Favre, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection de l'environnement, thèse, Lausanne, 2002, p. 185 et 186). C'est surtout par une limitation des heures d'exploitation, le cas échéant dans le cadre d'un règlement d'utilisation, que le bruit provenant d'une installation peut être maintenu dans une mesure acceptable (cf. DEP 2004, p. 345 pour une installation sportive scolaire; Tribunal administratif, arrêts du 14 octobre 1998 dans la cause AC.1997.0105 pour une rampe de patinage à roulettes et du 16 décembre 2004 dans la cause AC.2002.0126 pour une volière; Tribunal fédéral, arrêts des 27 juillet 2004 dans la cause 1A.272/2003 pour un foyer paroissial, 13 mai 2002 dans la cause 1A.240/2002 pour un clocher et 1A.39/2004 du 11 octobre 2004 pour un radeau amarré sur le Rhin et destiné à un festival de musique). Dans cette perspective, la position de l'autorité intimée consistant à s'abstenir de fixer des périodes d'utilisation du kiosque litigieux ne paraît pas appropriée.

3.                                Les questions susmentionnées peuvent toutefois demeurer indécises au vu de la réglementation communale applicable. Selon le chiffre 3.1. du règlement du PPA, le kiosque litigieux est situé dans une zone de verdure caractérisée par l'interdiction de bâtir, où seules des constructions de minime importance peuvent être réalisées, cela sur préavis de la Commission consultative d'urbanisme. Or, indépendamment du fait que celle-ci a émis un préavis négatif, on ne saurait considérer que le kiosque litigieux présente une importance minime. Présentant une largeur accrue de 1,60 m par rapport au socle existant, tant en ce qui concerne l'emprise de gradins et marches d'escaliers que celle de la corniche, et culminant à 6 m 50, il constituerait au contraire un élément de grande importance au centre de l'Esplanade des Marronniers. Cela vaut non seulement pour son occupation de l'espace mais aussi pour les effets de son utilisation sur l'environnement. La commission précitée l'a bien vu, qui a relevé qu'un usage accru du site impliquait "la mise à dispositions de certains services, notamment de WC publics" et préconisé qu'une "étude complète du réaménagement de l'ensemble de la place des Marronniers soit entreprise".

On ne parvient pas à un autre constat en se référant à la notion de travaux de minime importance, dont l'art. 111 LATC prévoit qu'ils peuvent être dispensés d'enquête publique : selon l'art. 72 d RATC, cela n'est possible que lorsqu'ils ne sont pas susceptibles de porter atteinte à des intérêts dignes de protection, en particulier à ceux des voisins. Or, il faut admettre que la couverture du socle existant est de nature à accroître et la fréquentation du site et le bruit dont le recourant se plaint. L'autorité intimée a d'ailleurs implicitement admis qu'on ne se trouvait pas en présence d'une construction de minime importance en soumettant à l'enquête publique le projet litigieux. En autorisant celui-ci, elle a aussi contredit la réglementation communale.

4.                                Les motifs qui précèdent conduisent à l'admission du recours. Obtenant gain de cause et ayant procédé par l'intermédiaire d'un avocat, le recourant a droit à des dépens, dont il convient de fixer le montant à 2'500 fr., à la charge à parts égales des associations, qui ont joué le rôle de maître de l'ouvrage, et de l'autorité intimée, s'agissant d'une construction sur le domaine public. Vu ces circonstances, un émolument de justice sera mis à la charge tant des associations que de l'autorité intimée.

 

Par ces motifs
le Tribunal administratif
arrête:

I.                                   Le recours est admis

II.                                 La décision de la Municipalité de Nyon du 14 juin 2004 est annulée.

III.                                Les associations Rotary Club Nyon et Rotary Club Nyon-La Côte sont les débitrices d'Alain Prost, solidairement entre elles, de dépens fixés à 1'250 (mille deux cent cinquante) francs.

IV.                              La Commune de Nyon est la débitrice d'Alain Prost de dépens fixés à 1'250 (mille deux cent cinquante) francs.

V.                                Un émolument de justice d'un montant de 1'250 (mille deux cent cinquante) francs est mis à la charge des associations Rotary Club Nyon et Rotary Club Nyon-La Côte.

VI.                              Un émolument de justice d'un montant de 1'250 (mille deux cent cinquante) francs est mis à la charge de la Commune de Nyon.

mad/Lausanne, le 11 avril 2005

 

 

 

                                                          Le président:



Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint



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