SPORT365.FR, 13.03.2008

Alain Prost: « Räikkönen semble de plus en plus à l’aise »


Interview: Jean-Moise DUBOURG

Avant le premier rendez-vous de la saison 2008 en Australie, Alain Prost nous livre ses impressions. Pour lui, Ferrari - surtout Räikkönen - et McLaren partent favoris alors qu’Alonso et Renault devraient être un cran en dessous.

Alain Prost, le Championnat du monde de F1 reprend ce week-end en Australie. Quel est votre favori pour le titre?
Je pense que le favori est encore Ferrari cette saison, même si McLaren devrait être vraiment très proche. Sur l'ensemble de la saison, ce devrait être les deux principaux protagonistes. Même si Ferrari semble avoir un gros avantage après les essais hivernaux, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de dire quelle sera la situation au milieu de saison ou à la fin, puisque l'évolution des voitures va être constante. Il y a eu beaucoup de changements de réglementation. A l'heure actuelle, si on doit définir un favori, cela se jouera entres ces deux équipes.

En ce qui concerne les pilotes, va-t-on avoir droit à un nouveau duel Räikkönen - Hamilton ou Massa peut-il se mêler à la lutte?
Ce que l'on a vu pendant l'hiver, c'est un Räikkönen libéré par son premier titre mondial et qui semble être de plus en plus à l'aise. Ce n'est pas pour cela qu'il parle plus, qu'il communique plus. En tout cas, il est de plus en plus à l'aise dans sa voiture. Il a fait des temps véritablement exceptionnels, surtout en configuration course puisque Ferrari a fait très peu de configuration qualifications. Cela va être très dur pour Massa. En début de saison, dans une écurie où les deux pilotes sont très proches, cette période peut être primordiale. Il suffirait que Massa fasse de très bons résultats pour renverser la vapeur et reprendre un peu le dessus. Pour l'instant, il y a un favori chez McLaren qui est Hamilton, et un favori chez Ferrari qui est Räikkönen. Mais n'oublions surtout pas, ni Kovalainen chez McLaren, ni Massa chez Ferrari, bien entendu.

On dit souvent que la seconde saison, celle de la confirmation, est la plus difficile. Est-ce que ce sera le cas pour Hamilton?
Elle peut être un peu plus difficile dans la mesure où, l'année dernière, il avait une double ou triple motivation: c'était sa première saison en F1, il disposait tout de suite d'une voiture extrêmement compétitive et il avait le soutien de son équipe et de Ron Dennis. Mais il possédait aussi une source de motivation supplémentaire avec un coéquipier champion du monde (Fernando Alonso). Là, il est dans un contexte différent. Il est avec un coéquipier peut-être sous évalué, car Kovalainen est un très bon pilote mais qui débute même si ce n'est pas sa première année. Les rôles vont s'inverser, on va comparer Kovalainen au désavantage psychologique d'Hamilton. On va voir comment il va gérer cela, par rapport au fait qu'il a perdu le Championnat la saison passée, peut-être un peu par sa faute mais aussi par celle de son écurie, notamment en Chine.

De son côté, Ferrari donne l'impression de parfaitement maîtriser les événements. L'hiver a été très studieux du côté de la Scuderia...
Oui, ils sont très bien cette année et c'est presque une surprise dans la mesure où il y a pas mal de choses qui ont changé en deux ans, avec les départs de Michael Schumacher ou de Ross Brown, et maintenant de Jean Todt, puisqu'il n'est plus directeur sportif de l'équipe. Mais l'équipe continue son bonhomme de chemin, toujours avec la même tradition, le même professionnalisme. Et ce, même s'il y a beaucoup plus d'Italiens à la tête de l'équipe, ce qui n'était pas le cas depuis pratiquement dix ans. Ils ont aussi compris l'année dernière les faiblesses de la voiture qui avait un empattement très long et qui était un peu pataude dans certains tracés. Ils ont bien rétabli les choses et ils vont se trouver, comme on les a vus d'ailleurs au dernier Grand Prix au Brésil, certainement en position de dominant, en tout cas au début.

Que peut donner le retour d'Alonso chez Renault?
On sait que McLaren et Ferrari seront devant. Savoir qui sera derrière ces deux écuries sera une des inconnues du Championnat. Renault, avec Fernando Alonso, fait partie de ces inconnues. On peut évaluer leur niveau aujourd'hui et affirmer qu'ils ne sont pas à la hauteur de Ferrari et de McLaren. Maintenant, vont-ils réussir à progresser pendant la saison pour arriver à ce niveau là? C'est toute la question. Indirectement, cela pose le problème de savoir quelles équipes seront derrière les deux écuries de pointe. On parle souvent de BMW, ou même de la Red Bull avec le moteur Renault, voire Toyota. On ne se sait jamais. La bagarre pour la troisième place peut donc se jouer entre trois ou quatre équipes.

Croyez-vous à la réussite de Renault?
Je n'y crois pas pour être champion du monde, mais c'est quand même une équipe qui a beaucoup d'expérience et qui a beaucoup appris l'année dernière. Cela va dépendre de l'osmose entre l'équipe et Fernando. Tout dépend si les résultats sont plutôt bons au début de l'année. Cela permettrait de repartir sur une spirale positive. Maintenant, si c'est une déception, peut-être que ce sera dur à gérer aussi bien techniquement qu'humainement.

Dans ce contexte, il y a un petit Français qui revient en F1 cette saison, à savoir Sébastien Bourdais. Peut-il tirer son épingle du jeu?
Sébastien doit avoir, et je pense qu'il l'a déjà, une motivation très grande mais il est aussi très réaliste par rapport à sa capacité de faire des podiums ou, éventuellement, de gagner une course. Il faut que les objectifs soient réalistes. Son objectif principal est d'être le plus souvent possible devant son coéquipier qui a une très bonne côte en F1, Sébastien Vettel. Et de ce fait il aura une sorte d'ascendant psychologique car il n'a rien à perdre. Il vient du ChampCar, tout le monde va regarder ce qu'il fait par rapport justement à ses prestations des quatre dernières saisons aux Etats, où il a gagné le Championnat. On ne lui demande pas des choses non plus exceptionnelles. Il faut qu'il soit à l'arrivée, ne fasse trop de fautes et soit relativement souvent, pour ne pas dire régulièrement, devant son coéquipier pour espérer aller dans une top équipe dans les années qui viennent.

La Toro Rosso peut-elle lui permettre d'atteindre cet objectif?
Toro Rosso, c'est la deuxième équipe de Red Bull. Elle est en train de beaucoup progresser mais je pense que ça risque d'être un peu difficile lors des premiers Grands Prix. En revanche, quand ils auront la nouvelle voiture, peut être qu'elle sera très proche de la Red Bull actuelle, qui est très compétitive. Les voitures dans la seconde partie de tableau vont être de plus en plus proches. Cela va lui permettre de faire quelques coups d'éclat.

La FIA a apporté quelques changements dans le règlement, notamment en ce qui concerne l'aide au pilotage. Ce sont des changements qui doivent vous faire plaisir…
Oui, ce sont des changements qui me font plaisir pour le spectacle. Il sera intéressant de voir la vraie valeur des pilotes, même si c'est qu'un morceau du puzzle. Il faudrait aller encore beaucoup plus loin. C'est vrai que, sur le plan électronique, ces aides au pilotage ont été un désavantage pour le spectacle en général. Ceci dit, les voitures sont extrêmement performantes, il ne faut pas s'attendre à des choses complètement exceptionnelles ou à un revirement de situation complet. On le verra peut-être un peu plus dans des configurations difficiles, notamment sur piste glissante ou sous la pluie. Mais à la fin de la saison, on pourra dire: «Tiens, ce pilote-là a fait une meilleure saison par rapport à son coéquipier car il s'est mieux adapté au règlement, c'est un meilleur pilote.» On pourra juger d'une manière plus facile.



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