Interview: Jean-Moise DUBOURG

A l’approche du Grand Prix de Hongrie, comme avant chaque course, Alain Prost nous livre son analyse. Sur un circuit qui ne devrait pas être favorable aux Ferrari, le quadruple champion du monde joue Hamilton mais se méfie de Räikkönen.

Fernando Alonso a-t-il de nouveau endossé son costume de patron grâce à sa victoire lors du dernier Grand Prix d’Europe, il y a deux semaines?
Alonso a repris du poil de la bête, ça c’est sûr. Il a retrouvé une position plus confortable au niveau du Championnat, au moins sur le plan arithmétique. Je ne suis pas certain qu’il ait encore complètement repris son costume de patron dans une équipe où il ne se sent peut-être pas à 100%. C’est aussi certainement un jeu et une volonté de sa part d’entretenir cet état d’esprit pour obtenir le plus de soutien possible de son équipe. Mais c’est de bonne guerre. On verra lors du Grand Prix de Hongrie s’il peut être devant son coéquipier à la régulière, le week-end d’Hamilton ayant été ruiné dès les qualifications au Nürbürgring. Ce n’est pas encore gagné pour Alonso. D’ailleurs, c’est un peu le même problème entre Räikkönen et massa chez Ferrari. Le Finlandais a pris un petit peu le dessus sur Massa lors des dernières courses mais compte tenu de son abandon lors de la dernière épreuve, on ne peut pas désigner un pilote n°1.

Les tensions se multiplient dans le paddock. Alonso ne se sent pas très bien dans son équipe et se chamaille avec Massa à l’arrivée du GP d’Europe, Alonso et Hamilton s’observent, etc… Est-ce un bien pour le suspense et le Championnat?
Les gens adorent ça. Ils aiment être fans d’un pilote et en détester un autre. Donc, quand il y a des luttes comme celles là dans les équipes, il y a toujours des pro-Untel et des anti-Untel. C’est un tout petit peu plus fade entre Räikkönen et Massa qu’entre Alonso et Hamilton. Les journalistes entretiennent aussi un peu cet état d’esprit. Ce qui peut être une petite altercation ou une petite explication devient vite une affaire d’Etat en F1. En principe, ça ne dégénère pas trop sur la piste ces dernières années. Ce qui est sûr, c’est que ça suscite encore plus d’intérêt pour le spectateur lambda, et c’est bien.

Malgré sa violente sortie de piste aux essais et sa course anonyme qui lui a fait rater pour la première fois le podium, Lewis Hamilton a été assez magnifique dans la défaite sur le Nürbürgring.
Ça n’enlève rien à son talent et à sa performance globale. Après le choc qu’il avait subi le samedi, on ne pouvait pas s’attendre à des miracles. La vraie clé, maintenant, c’est Budapest. On va voir comment Hamilton réagit à cette violente sortie de route – qui reste traumatisante – et au fait que son coéquipier soit revenu à deux points. Fera-t-il une deuxième partie de saison aussi brillante? Il restait sur une spirale de succès absolument incroyable où tout lui réussissait. On va voir si c’est juste un petit incident de parcours tout à fait logique dans une saison ou si Hamilton laisse le leadership à Alonso. Voilà la vraie problématique du week-end prochain.

Avant son abandon au Nürbürgring, Räikkönen semblait encore une fois le plus fort. Est-ce que le scénario peut se répéter en Hongrie?
On a des petits doutes pour Ferrari à l’approche du Grand Prix de Hongrie. On les avait exprimés déjà il y a quelque temps compte tenu du fait qu’ils n’ont pas été dans le coup sur des circuits très sinueux, notamment Monaco et le Canada. Budapest étant l’un des circuits les plus sinueux, la question demeure. Ont-ils progressé depuis le Grand Prix de Monaco? Sur le plan châssis et aérodynamique, je réponds oui. Est-ce que leur empattement plus long va les perturber? La question reste entière. Si Räikkönen fait de nouveau à Budapest la même prestation que ces deux ou trois dernières courses, il peut faire une fin de saison redoutable.

Au regard des faibles écarts au Championnat, chaque course devient encore plus déterminante.
On arrive dans une partie du Championnat où l’aspect psychologique va compter. Pour les pilotes eux-mêmes vis-à-vis de leur coéquipier dans les deux écuries de pointe puisqu’ils sont quatre en course pour le titre, mais aussi vis-à-vis de leur écurie respective. En effet, à un moment, Ferrari et McLaren vont sans doute devoir désigner un pilote n°1 pour jouer le titre. Chaque faux pas, désormais, sera terrible pour l’un des quatre pilotes de tête.

Votre pronostic pour le Grand Prix de Hongrie?
J’ai plutôt un petit penchant pour McLaren et Hamilton sur ce circuit. Il le connaît bien, il a déjà gagné là-bas. Mais attention car sur ce circuit, chaque petite faute se paie très cher. Hamilton attaque toujours énormément mais il peut aussi partir à la faute.