LES SPORTS, 13.07.2003

"La Formule 1 fonce droit dans le mur"


FRANCORCHAMPS - Chemisette Uniroyal Fun Cup sur les épaules, Alain Prost, nouvel ambassadeur mondial de la marque de pneumatiques, est venu donner, hier à 16h30, sous le soleil et devant des tribunes qu'on n'avait encore jamais vues aussi remplies cette année dans nos Ardennes, le départ des 25 Heures VW Fun Cup.

Alain Prost, plutôt étonnant de vous voir à Francorchamps dans le cadre de la VW Fun Cup...
Je suis d'abord très heureux de revenir sur un de mes circuits préférés même si ici ce n'est pas en tant que pilote. L'hiver dernier, j'ai eu l'occasion de regoûter aux joies du pilotage dans le cadre du Trophée Andros, les courses sur glace, une autre compétition très fun. Au départ, ce n'était pas vraiment mon approche ni mon style, mais finalement je me suis bien amusé. C'est gai de courir sans pression, sans se compliquer la vie, juste par plaisir comme le font tous les concurrents de la Fun Cup. Revenir aux origines ne fait pas de mal. Ici les gens s'amusent avec peu d'argent. La Formule 1 moderne ferait bien de se rapprocher de cette philosophie. C'est là, dans les montagnes, que j'ai rencontré les dirigeants d'Uniroyal qui ont fait de la VW Fun Cup leur cheval de bataille. Et lorsqu'ils m'ont proposé de devenir leur ambassadeur, j'ai tout de suite accepté.

La spécialité d'Uniroyal, ce sont les pneus pluie. Or, paradoxalement, vous n'avez jamais aimé rouler sur piste détrempée.
L'accident de Didier Pironi en 1982 m'a beaucoup fait réfléchir. Je n'ai jamais accepté de jouer à la roulette russe. De prendre des risques inutiles sous la pluie soit en raison du phénomène d'aquaplaning soit par manque de visibilité. Ma philosophie sur la route est d'ailleurs identique et il n'est pas rare par temps de pluie que je roule à 80 ou 100 km/h et que je me fasse dépasser par des gens qui n'ont jamais été victimes du phénomène d'aquaplaning. Je ne peux donc que promouvoir une marque jouant la carte de la sécurité. Sur sol mouillé, un bon pneu, c'est vital.

Possédez vous encore des projets dans le domaine de la compétition automobile?
Hormis ma participation à la saison 2003-2004 du Trophée Andros avec Toyota, non. Désormais, la Formule 1 est devenue une affaire de grands constructeurs. Il est devenu impossible de monter une équipe sans le soutien d'une usine. Le sport automobile moderne est exclusivement une affaire de moyens financiers. Or l'économie est difficile.

C'est la leçon que vous tirez de l'échec de Prost Grand Prix, votre écurie de Formule 1?
Tout à fait. Quand vous devez déjà payer 30 millions d'euros pour un moteur, que voulez vous faire? Sans le 11 septembre, on aurait encore trouvé des solutions pour 2002. Et comme le nouveau châssis était particulièrement réussi, on aurait peut-être pu sortir de l'ornière. Mais les attentats terroristes aux Etats-Unis ont eu pour effet de mettre un terme immédiat aux différentes négociations en cours. Ce qui a causé notre perte. Dommage! Quand je vois le soutien que Bernie Ecclestone et les autres teams accordent maintenant à des écuries en difficultés comme Jordan ou Minardi, cela me fait encore plus rager. Avec le prix du motorhome d'un grand constructeur, on aurait pu sauver Prost GP. Le piège est qu'avec un nom pareil, on nous a toujours considérés comme une grande écurie. Or, hormis celui de Minardi, nous avons toujours possédé le plus petit budget du plateau.

Comment expliquez-vous cet échec sportif et financier?
Peugeot n'a pas joué le jeu et Renault a refusé de nous aider. En Formule 1, si vous n'êtes pas Anglais ou si vous ne travaillez pas pour Ferrari, vous n'avez aucune crédibilité. En France, il est difficile de trouver des sponsors. Surtout quand votre presse vous critique sans arrêt.

Nourrissez-vous des regrets?
Honnêtement, oui. Je n'ai toujours pas digéré ce gros échec. Je regrette d'avoir relevé ce défi. J'aurais mieux fait de m'abstenir. Ou alors d'accepter la proposition d'une écurie anglaise...

Quelle vision avez-vous de la Formule 1 version 2003?
Les gens qui sont encore sur les GP me disent qu'ils regrettent l'ancienne époque. L'ambiance est morose et le public de moins en moins nombreux.

Que faut-il faire pour renverser la vapeur?
Cela fait des années que je tire la sonnette d'alarme. Que je prétends que la Formule 1 va droit dans le mur. Qu'il faut changer les règlements sportifs et techniques pour rendre les courses plus attrayantes, favoriser les dépassements. Mais à la FIA, il ne demande jamais l'avis des gens d'expérience. Mettre des pansements sur les plaies ne sert à rien. Le spectacle aujourd'hui est trop artificiel. Il faut revenir à la base. Avoir le courage de prendre des mesures radicales. Personnellement, j'interdirais les ravitaillements en essence, j'autoriserais à nouveau les pneus slicks en obligeant les pilotes à prendre le départ avec les gommes avec lesquelles ils ont disputé les essais.

À quoi occupez-vous désormais vos journées?
La liquidation de mon entreprise me prend encore beaucoup de temps. C'est assez pesant. Sinon, j'essaye de profiter un maximum de la vie et de mes enfants. Je pratique toujours assidûment pas mal de sports. Je m'adonne au golf mais c'est au vélo, ma seconde passion, que va ma préférence. Je vais d'ailleurs disputer une étape du Tour de France, mercredi prochain. La vie sans Formule 1 est tout à fait jouable.



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